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PREMIER MINISTRE
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SERVICE DE PRESSE
Discours du Premier Ministre François FILLON
Centrale nucléaire du Bugey (Ain)
lundi 29 août 2011
Mesdames et Messieurs.
Je viens de visiter la centrale nucléaire du Bugey et, en particulier, le bâtiment qui abrite son réacteur numéro 5 qui est actuellement à l’arrêt. Comme le prévoit la loi française, tous les 10 ans chacune de nos installations nucléaires est soumise à une visite de contrôle de l’Autorité de Sûreté Nucléaire, avec l’expertise de l’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire.
A l'occasion de cette visite décennale, comme vous avez pu le constater, l’exploitant met à l'arrêt l’installation concernée, il engage un programme de travaux qui participent à l’amélioration de la sûreté et qui sont validés par l’ASN. Il met en oeuvre à cette occasion les derniers retours d’expérience acquis sur l'ensemble du parc nucléaire français. Concrètement cela signifie qu’en France, toutes les centrales nucléaires tournent sur des équipements constamment améliorés et régulièrement révisés.
C’est un engagement intangible des pouvoirs publics et, particulièrement, de mon Gouvernement que d’assurer ainsi, dans un processus continu et exigeant, la qualité et la sûreté de notre parc nucléaire. Nous accompagnons et nous soutenons son évolution. Nous avons d’ailleurs décidé dans le cadre du programme d’investissement d’avenir de doter le programme nucléaire du futur – et notamment de 4ème génération – d’un milliard d’euros.
Dans ce domaine, nous pouvons en être fiers, notre pays conserve une avance technologique et une maîtrise internationalement reconnues. Nous bénéficions de l’expertise solide d’entreprises d’EDF au premier rang, d’AREVA, qui peuvent elles-mêmes s’appuyer sur la compétence scientifique du Commissariat à l’Energie Atomique. Il y a 50 ans, la France a fait le choix résolu du nucléaire civil. C’est un choix stratégique, c’est un choix qui s’est révélé judicieux mais c’est aussi un choix qui impose un grand sens des responsabilités.
L’accident nucléaire de Fukushima a rappelé de façon dramatique qu’on ne transige pas avec la sûreté nucléaire, et qu’il est de notre devoir d’envisager tous les scénarios, même les plus improbables. Ce drame nous a aussi rappelé qu’il était impératif d’informer constamment la société civile, et de lui faire la démonstration concrète des progrès permanents réalisés en matière de sûreté. En 2006, la France a d’ailleurs inscrit cette exigence de transparence dans la loi. De là est née notre autorité de sûreté indépendante, l’ASN. Désormais, l’indépendance de l’ASN est l’aiguillon indispensable à la crédibilité de notre parc nucléaire. Ses critiques, ses observations et ses prescriptions sont toujours rendues publiques. Et cette transparence est un gage de sûreté majeur. Elle oblige en effet nos pratiques à évoluer en permanence et aujourd’hui, tous les exploitants en connaissent bien le processus.
Sur la sûreté nucléaire, nous sommes et nous serons intransigeants ! Après l’accident de Fukushima, le Gouvernement s’est immédiatement mobilisé pour tirer les enseignements de cette catastrophe. Nous avons, sans attendre, décidé de soumettre toutes les installations françaises à des tests de résistance. Et dans un souci de transparence totale, nous associons à ces tests les pays frontaliers de la France qui, eux aussi, sont directement intéressés par la sûreté de notre parc, dans une logique d’inspections croisées. Qui plus est, les résultats de ces tests seront soumis à une revue européenne par les pairs, et ils seront partagés avec des représentants de la société civile, notamment à travers le Haut comité à la transparence, à l’information et à la sécurité nucléaire.
Pour la réalisation de ces tests, l’ASN a élaboré un cahier des charges, dont je voudrais indiquer qu’il va bien au-delà du projet adopté au niveau européen. D’abord, le champ d'application de ce cahier des charges est plus large : il ajoute aux centrales de production d’électricité les autres sites nucléaires d’importance, comme par exemple l’usine de retraitement des déchets d’AREVA à La Hague ou les installations de recherche du Commissariat à l’Energie Atomique.
Ensuite, l’évaluation portera non seulement sur les mesures de prévention, mais aussi sur les mesures de réduction des conséquences d’un éventuel accident. Nous avons aussi choisi d’accorder une place privilégiée aux facteurs humains, sociaux et organisationnels en évaluant, par exemple, la capacité de l’exploitant EDF à associer étroitement ses partenaires aux démarches et aux procédures de sûreté. Je sais que c’est une préoccupation des organisations syndicales, et je veux remercier le Haut comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire d’avoir proposé à l’ASN d’approfondir sur ce point le cahier des charges. Dès la fin de cette année, l’ASN rendra ses premières conclusions, nous saurons alors par quels moyens et par quelles procédures améliorer encore nos procédures de sûreté, en prenant en compte les leçons de Fukushima. C’est un exercice d’une ampleur exceptionnelle qui viendra compléter les études et travaux habituels de l’ASN.
Sur le plan international, la France a également pris des initiatives, pour que soient partagées par le plus grand nombre, les exigences qui incombent aux Etats en matière de sûreté nucléaire. Sous l’impulsion de la France, les pays du G8 se sont engagés à promouvoir les plus
hautes normes de sûreté, à mettre en place des tests de résistance des installations nucléaires existantes et à réaliser des évaluations périodiques de la sûreté des installations. Le 7 juin dernier, nous avons accueilli en France le séminaire de l’Agence pour l’Energie Nucléaire qui associe les ministres de 33 pays. Ce séminaire a permis d’élaborer des lignes de consensus qui reprennent une grande partie des propositions françaises. Mais nous voulons que les coopérations puissent aller encore plus loin que le stade de consensus auquel nous sommes parvenus. J’ai d’ailleurs eu l’occasion de le dire à Kiev au mois d’avril : la communauté internationale doit mettre sur pied un mécanisme d’intervention rapide, sous la forme de mises à disposition d’experts, d’équipements spécialisés pour répondre, si le besoin s’en fait sentir, à la demande en urgence d’un pays victime d’un accident nucléaire.
Depuis le mois d’avril, la France porte ce message sans relâche, à chaque occasion. C’est une initiative qui ne peut fonctionner que si elle obtient la mobilisation de tous. Et je veux vous dire que la France est déterminée à obtenir un accord sur le principe de la part du plus grand nombre de pays possibles. Nous sommes aussi convaincus que la création d’un centre de formation à la gestion de crise, pour les exploitants nucléaires et les autorités gouvernementales, constituera un socle efficace pour organiser la meilleure riposte en matière d’accident nucléaire. Cette conviction, nous voulons aussi la faire partager. Et parce qu’il n’existe pas aujourd’hui de corpus commun de connaissance et de méthodes sur ces réponses d’urgence, nous voulons le construire, nous voulons le diffuser et nous voulons promouvoir l’échange des bonnes pratiques.
S’il faut impérativement un processus de convergence, ce centre international n'a pas nécessairement vocation à être une structure unique ; on pourrait envisager une organisation à deux niveaux étroitement coordonnés : d’un côté les pays disposant d'une expérience réelle, qui mettraient en place une structure nationale de formation ; et d’autre part, un niveau de consolidation internationale né de la mise en réseau de quelques structures nationales labellisées et qui serait doté d’un secrétariat permanent qui pourrait être assuré par exemple par l'AIEA. Cette organisation à deux niveaux permettrait à la fois de mobiliser les responsables nationaux, en maintenant un lien avec la réalité de terrain, et de renforcer le partage des expériences au niveau international.
Après Fukushima, nous devons reconsidérer les moyens de gestion de crise à tous les nivaux. C’est vrai pour les exploitants nucléaires, qui doivent assurer la sûreté de leurs installations dans des circonstances analogues, en cas de rupture d’alimentation électrique, de perte des circuits de refroidissement, pour prendre deux exemples qui nous ramènent à cette catastrophe. C’est vrai aussi pour les pouvoirs publics qui ont le devoir de protéger les populations. Après Tchernobyl, nos trois exploitants – EDF, AREVA et le CEA – ont développé un Groupement d’Intérêt Economique, le « GIE INTRA » qui leur permet de mutualiser les outils à moyen et long terme face à un accident nucléaire. Je les invite aujourd’hui à réexaminer le dimensionnement de ce Groupement d’Intérêt Economique pour tirer les enseignements de Fukushima.
Toutes les réflexions que nous conduisons en France pourront servir de creuset à une initiative internationale en faveur d’un centre de formation de crise, qui permettrait de mutualiser l’ensemble de nos connaissances, et qui alimenterait le travail sur la mise en place d’un
mécanisme d’intervention rapide. L’efficacité de tels dispositifs reposera sur une cohérence sans faille de l’action des exploitants et des pouvoirs publics dans la gestion de la crise. Je souhaite que ces propositions puissent être développées dans le plan d’action que l’AIEA va détailler dans les prochaines semaines. Sous son pilotage, nous allons devoir construire des référents uniques en matière de gouvernance, de normes et de moyens interopérables.
Mesdames et Messieurs, après Fukushima chaque pays a réagi à sa façon. L’Allemagne a pris une décision radicale, celle de fermer toutes les centrales nucléaires en fonctionnement d’ici 2022. En France aussi, certains demandent un moratoire sur le nucléaire. Des inquiétudes se sont exprimées ; il est légitime d’y répondre avec précision, avec sang-froid et sans aucun tabou. Nous avons clairement affirmé au cours des derniers mois que nous continuerions à assumer, avec une clairvoyance renforcée, le choix du nucléaire et la place essentielle que le nucléaire occupe dans notre économie et notre bien-être quotidien.
En même temps, plusieurs facteurs nous encouragent à ouvrir nos modèles énergétiques vers de nouvelles perspectives complémentaires : la hausse inévitable sur le long terme du prix du baril de pétrole, notre engagement contre les effets du changement climatique, et récemment encore le débat sur les gaz de schiste. C’est la raison pour laquelle Nathalie KOSCIUSKO MORIZET et Eric BESSON réfléchissent, avec le Centre d’analyse stratégique, aux scénarios concernant l’offre et la demande énergétique française à l’horizon 2030/2050.
Permettez-moi sur ce sujet de vous livrer mes convictions. Le nucléaire est une source d’énergie aux qualités incomparables : c’est une énergie fiable, c’est une énergie disponible, parce que non soumise aux aléas météorologiques, peu émettrice de CO2 et donc respectueuse de nos engagements dans la lutte contre le changement climatique, et c’est une énergie compétitive qui nous assure des prix de l’électricité parmi les plus abordables en Europe. C’est une source d’énergie irremplaçable.
Lorsque le président POMPIDOU a lancé le programme électronucléaire français, lors du premier choc pétrolier, il l’a fait pour réagir à la montée des prix de l’énergie sans perspective d’accalmie. Grâce à ce choix, nous avons réduit notre dépendance énergétique de 75% à 50%. Nous avons offert à tous les Français un accès à l’électricité à un prix modéré et, par un mécanisme de solidarité nationale, nous avons étendu ce bénéfice à tous nos territoires qui ne sont pas raccordés aux centrales nucléaires comme la Corse et les territoires d’Outre-Mer.
Si l’accident de Fukushima nous rappelle que le nucléaire comporte des risques potentiels, il ne doit pas occulter ses avantages considérables. Je récuse fermement les approches manichéennes dans lesquelles beaucoup voudraient nous enfermer, entre la sortie du nucléaire et le tout nucléaire, il y a une voie responsable ! La France a besoin du nucléaire. Mais j’ai aussi conscience que nous avons besoin de développer les énergies renouvelables.
En 2007, nous avons choisi de diversifier notre bouquet énergétique. Avec le Grenelle de l’environnement, un virage a été amorcé et il va se poursuivre, conformément aux engagements européens que la France a pris. D’ici 2020, notre consommation d’énergie devra être issue à hauteur de 23 % de sources renouvelables, et nous sommes en train de nous en donner les moyens. Ce sont des secteurs où le potentiel industriel a besoin d’investissements importants en matière de recherche et développement. Nous travaillons à construire des filières qui, à terme, devront devenir exportatrices et porteuses de valeur ajoutée pour l’économie française.
Notre effort en matière de recherche et développement dans les énergies renouvelables et des technologies d’amélioration de l’efficacité énergétique, de captage et de stockage du Co², de l’hydrogène, porte notre engagement à parité avec celui en faveur du nucléaire. Au sein des programmes consacrés aux investissements d’avenir, 1,350 milliard d’euros sont dédiés aux énergies renouvelables et aux procédés de production décarbonée. Comme nous avons misé dans les années 70 sur le nucléaire, nous misons aujourd’hui aussi sur ce futur secteur d’excellence.
Voilà, Mesdames et Messieurs, les réflexions que je voulais partager avec vous. L’après-Fukushima nous fixe un cadre renouvelé, dans lequel nous allons continuer d’assumer toutes nos responsabilités. Notre choix aujourd’hui et pour l’avenir, c’est d’investir fortement dans la sûreté, c’est la priorité des priorités. Et les Français doivent savoir que la vigilance des pouvoirs publics, notre exigence, notre transparence sur ces sujets sont absolues. Ils doivent savoir aussi que les équipes qui assurent la sûreté dans les installations nucléaires sont d’une très grande qualité, et qu’elles ont un très grand sens des responsabilités. Et c’est l’occasion pour moi, pour terminer, de dire à tous les personnels, notamment ici dans cette centrale du Bugey, le respect et la confiance que m’inspire le travail qui est le leur. Voilà
Mesdames et Messieurs, je suis à votre disposition pour répondre à quelques-unes de vos questions.